Avec un caractère fort – ou détestable suivant les points de vue – comme le sien, Svein était souvent amené à se prendre le bec avec d'autres personnes. Habituellement, il était entièrement responsable de la tourner des événements, souvent parce qu'il n'appréciait pas les remarques qu'on pouvait lui faire ou encore parce qu'il avait un peu trop bu. Mais cette fois-là, la situation était différente : Svein était dans son bon droit ! Ou du moins, c'était ainsi qu'il voyait les choses, mais il y avait fort à parier que son adversaire du jour avait un autre avis.

Tout avait commencé quelques jours plus tôt : en rendant visite à sa famille, Svein avait appris de la bouche des jumeaux qu'un membre de la garde tournait autour de Sigrid, leur sœur. Forcément, le trentenaire avait vu la chose sous un mauvais angle puisqu'il savait parfaitement que la beauté de la jeune femme poussait beaucoup d'hommes à tenter leur chance et même si elle refusait toujours en bloc, ils n'étaient pas à l'abri d'un emmerdeur. Parfois, les hommes ne comprenaient pas lorsqu'on leur disait non et il devenait nécessaire d'intervenir. Svein avait donc pris la décision de ne pas laisser traîner la situation : dès qu'un emmerdeur venait tourner autour de l'une de ses sœurs – et plus particulièrement de Sigrid – il allait lui faire comprendre qu'il était inutile de perdre son temps avec elle.
En général, c'était assez probant, mais parfois la situation se compliquait.

Svein avait donc commencé en douceur, allant expliquer à l'homme que sa sœur n'était pas intéressée et qu'il était prié d'aller voir ailleurs. Le garde n'avait pas répondu et le jeune homme avait donc considéré que tout était réglé. Sauf que le lendemain, Sigrunn était venu le trouver chez lui, l'informant du fait que le garde était venu chez eux et avait littéralement harcelé Sigrid pour qu'elle le suive pour une promenade. Ni une, ni deux, le Bjǫrnson se dirigea vers les baraquements pour avoir une discussion entre quatre yeux avec le concerné.

Arrivé sur place, il constata que la chance était de son côté pour une fois : l'homme était à l'extérieur, en tenue et prêt à prendre son tour de garde. Il ne le vit pas venir et Svein profita de la surprise dont il bénéficiait pour lui en coller une en plein visage. L'homme tomba à la renverse et ses collègues se jetèrent aussitôt sur l'agresseur qui ne décolérait. S'arrachant à la prise de l'un des hommes, Svein se rapprocha du harceleur avant de l'admonester sans se soucier du bruit qu'il faisait.

« Je t'avais prévenu, je t'avais dit de ne plus t'approcher d'elle et tu continues. Tu crois que ton rôle te donne le droit de faire ce que tu veux ? Tu te trompes, même si je dois aller en prison à cause de ça, je t'arrangerai tellement que plus aucune autre ne voudra de toi. »

Essayant de joindre le geste à la parole, Svein se rapprocha encore de l'homme dans l'espoir de le frapper à nouveau, mais les autres gardes le prirent de rapidité et l'en empêchèrent. S'en-suivit une dispute retentissante qui attira l'attention de plusieurs passants, mais personne n'osa s'en mêler. Ou c'était du moins ce que le jeune homme pensait, il ignorait que quelqu'un était allé chercher de l'aide en déclarant qu'un forcené s'en prenait à leurs gardes, sans quoi il se serait certainement calmé histoire de ne pas aggraver la situation.
Ou pas. Dans ses moments de colère, Svein se souciait assez peu des conséquences.

Le quotidien des membres de l'Elite de l'Herr n'était pas tout à fait le même que celui des gardes. Cependant, leur but étant de protéger le peuple, la guerrière allait donc patrouiller auprès des soldats. Même si la brune s'attardait plus particulièrement dans les quartiers du jarl et celui de la boutique de sa sœur. Il ne se passait en règle général rien d'extraordinaire, des vols, des bagarres tout ce qui peut rythmer la vie des habitants de Bjorn. A quelques exceptions prés, encore il y a peu, un vague de disparitions inexpliquées avait touché l'île. Malgré les recherches des soldats, que peu d'entre les victimes furent retrouvées et pas toutes en bon état. C'était pour cela que la brune prenait ces rondes au sérieux.

La guerrière était en train d'enfiler son horrible armure lorsqu'un attroupement bruyant à l'extérieur se fit entendre. Il n'était pas rare d'entendre les soldats crier, surtout les hommes qui se cherchaient constamment, gentiment bien évidemment, tel une fratrie. La femme ne s'en inquiéta pas, préférant finir de se préparer. Eldrid passait plus de temps à mettre cette chose affreuse que de mener à bien sa mission, enfin c'est ce que la brune ressentait à chaque fois qu'elle chaussait ou déchaussait son armure lourde. Son arme à la ceinture et le bouclier en main, Eldrid, une jeune fille venait d'apparaître devant elle. Le souffle court suite à une course effrénée, la fillette expliqua la situation à la brune. D'après ses dires, un homme venu de nulle part aurait frappé l'un des garde. Il s'était jeté dessus comme un sauvage, ne voulant plus le lâcher. Il n'était pas rare de voir des habitants régler leur compte avec les soldats mais rarement en public.

Eldrid s'élança vers la sortie, voulant éviter que le conflit ne perdure. Les gardes tenaient encore l'homme, voulant le calmer. Le garde lui était encore sonné, vu la marque présente sur le visage, il venait de recevoir un violent coup de poing. La raison de cette agression était forcément personnelle, la force émise par l'agresseur en était vraiment la preuve. La brune scruta l'assaillant, d'après sa tenue, il ne provenait pas de la caste des pauvres, loin de là. Il n'était pas non plus un soldat. La guerrière avait déjà vu sa tête, mais elle ne savait plus où. Peut-être que la membre de l'Elite se souviendra plus tard. Pour le moment, elle se devait d'intervenir. La brune profita de l'éloignement du châtain pour attraper le garde et le pousser en direction des baraquements. D'un ton autoritaire elle s'adressa à lui: "J'en ai pas fini avec toi. Je vais devoir avoir une discussion avec toi." La guerrière avait déjà entendu parler de lui, il était une source perpétuelle de problèmes.

Maintenant, elle se rapprocha vers le mignonnet. Un sorte de charisme se dégageait d'Eldrid. "Lâchez-le, je vais m'occuper de son problème." Sans attendre leur reste, les gardes s'éloignèrent du noble. Elle invita donc ce dernier à la suivre, des fois il vaut mieux régler un soucis sans utiliser la force. Elle souhaitait surtout connaître les raisons de cet énervement. Calme, la soldat invita également à entrer dans les baraquements.

Les gardes faisaient partie d'une grande famille, c'était bien connu ! Svein ne fut donc pas très étonné de constater que les collègues de l'homme qu'il avait frappé l'empêchaient de s'en prendre encore à lui – et accessoirement de le retenir ici. Ils devaient craindre que le trentenaire ne s'en aille et ne soit pas sanctionné pour ce qu'il avait osé faire. Oh, Svein ne se faisait pas d'illusions, il savait parfaitement qu'il risquait une condamnation pour ce qu'il venait de faire : frapper un représentant de la loi n'était jamais une bonne idée ! Cela dit, si ce coup de poing permettait à Sigrid d'être tranquille, le marin ne regretterait rien. Il avait beau ne pas être très proche de sa famille, il savait tout de même les protéger. Un minimum du moins.

Dans le remue-ménage provoqué par son intervention, Svein ne vit pas la femme arriver, mais il remarqua rapidement que les autres gardes semblaient plus tendus. Ils relâchèrent légèrement leur pression et le trentenaire put apercevoir une femme non loin d'eux. Elle était plutôt grande, des cheveux foncés et un visage plus qu'avenant. Pourtant, malgré les atouts dont elle disposait, il se dégageait d'elle une aura qui avait de quoi calmer le plus énervé des hommes. Enfin, presque, Svein était buté et l'agacement qui l'habitait persistait à le titiller. S'il ne se transforma pas en ange face à cette donzelle, le marin cessa tout de même de s'agiter et fut finalement relâché par les gardes – mais plus à cause des instructions de la belle que pour lui faire plaisir.

Remettant sa tenue en place, Svein décrocha un regard aux hommes qui s'éloignaient en le fixant d'un air mauvais. Apparemment, il venait de se faire quelques ennemis supplémentaires ! Bah, ce n'était pas bien grave. Une dizaine de plus ou de moins.... Le regard clair de l'homme se détourna finalement des soldats pour se poser sur la nouvelle arrivante qui lui fit signe de le suivre – ce qu'il fit sans se faire prier. Lorsqu'ils pénétrèrent dans les baraquements, Svein s'attendait à ce qu'elle lui annonce son arrestation et par conséquent, il préféra dire ce qu'il avait sur le cœur avant d'en arriver là. Question de fierté.
Après être entré, il se retourna pour faire face à la femme qu'il identifiait comme étant une garde. Peut-être une gradée vu son charisme.

« Je sais ce que vous allez dire, alors ne perdez pas votre temps. » En fait, il n'était sûr de rien, mais c'était dans sa nature de rendre dans le lard sans réfléchir plus longuement. « Vous pourrez m'accuser de ce que vous voulez, votre collègue méritait ce qui lui est arrivé. J'ai déjà été lui parler en privé en lui demandant gentiment de laisser ma sœur en paix. Je lui ai clairement dit qu'il ne l'intéressait pas, mais il continue à la harceler. Mes sœurs ont tellement peur de lui qu'elles n'osent même plus sortir de la main pour aller au marché ! C'est un garde, il est censé sécuriser les citoyens, pas les harceler. »

Le ton de sa voix était devenu légèrement plus agacé au fur et à mesure qu'il parlait. C'était comme ça, Svein était quelqu'un de passionné et il se laissait toujours emporter par ses émotions pour regretter plus tard ce qu'il avait pu dire. Oh, cette fois ça ne serait pas le cas. Il était sûr de lui et ne regretterait pas d'avoir débité tout ça !
Croisant ses bras sur son torse, il darda ses prunelles claires dans celle de la femme pour conclure :

« Vous pouvez m'arrêter si ça vous chante, je ne vais pas m'excuser de ce que j'ai fait. Mais je vous conseille de surveiller votre gars, parce que s'il recommence à tourner autour d'elle, je retournerai lui dire le fond de ma pensée. »

Bon, ce n'était pas forcément très malin d'annoncer à une garde que vous aviez l'intention de retourner casser la figure à son copain s'il ne se calmait pas. Le plus prudent aurait été de regretter – ou d'en avoir l'air – et de promettre de se rattraper... mais Svein n'avait jamais été doué pour faire les bons choix dans la vie. Une chose qui ne changeait pas !

La tension était encore palpable entre les gardes et cet homme. La femme avait remarqué les regards noirs et cela ne lui plaisait guère. Elle va devoir discuter avec les soldats, leur comportement n'est pas adapté à leur travail. Ils étaient là pour régler les problèmes des habitants non en créer davantage. Le brun n'avait pas rechigner à suivre la membre de l'Elite, il avait du remarquer que cela serait inutile de s'en prendre à elle. À peine étaient-ils rentré dans les baraquements que l'homme lui faisait face, un peu trop proche au goût de la guerrière. Voulait-il également s'en prendre à elle? Malgré qu'Eldrid ne sentait aucune agressivité de la part du brun, elle se tenait sur ses gardes.

L'homme semblait si sûre de lui, à tel point que cela exaspérait Eldrid. Certes il devait être puni pour son geste, mais la guerrière n'avait pas la même vision. C'était le garde qui allait devoir en premier répondre pour ses actes, harceler une jeune femme, un des nombreux soucis qu'il causait à la garnison. La brune avait prévenu le capitaine, des rumeurs circulaient autour de lui, et elle avait entendu des plaignants. Ces derniers avaient refusé de se plaindre, trop inquiets des répercussions que cela pouvait entraîner. Mais là elle avait un homme déterminé, quelqu'un n'ayant pas peur de dire la vérité et Eldrid voulait en profiter.

La guerrière commençait à ne plus supporter le ton employé par l'homme, malgré qu'elle appréciait sa volonté. La brune devait prendre sur elle, c'était une bonne façon de mettre à l'épreuve sa patience. Lorsque ce dernier avait enfin terminé, la membre de l'Elite prit enfin la parole. Elle gardait un ton plutôt calme, cela permettra ainsi de baisser la tension. "Dans une autre circonstance je vous aurai arrêté. Cependant, cela fait déjà plusieurs fois que l'on vient s'adresser à moi par rapport à son comportement. Hors, seule je ne peux rien faire malgré mon grade. Si vous m'accompagniez vous et votre sœur devant le responsable de la caserne, seriez-vous en mesure de raconter cet harcèlement? Un garde ne devrait pas avoir de tels comportements. Je me porterez ainsi garante pour vous et ne parlerais pas de l'incident que vous avez créé à l'instant. Nous sommes d'accord?"

C'était bien rare qu'Eldrid prenne autant de libertés et de risques pour un individu tel que le brun mais il serait tout aussi injuste que le garde lui s'en sorte indemne. Combattre contre les injustices, c'est aussi pour cela que la guerrière souhaitait entrer dans l'Elite. Voilà, tout reposait sur la parole d'un inconnu. "Il serait préférable que vous me déclignez votre identité." Si il venait à lui fausser compagnie, elle saura au moins où chercher le malotru. La guerrière invita donc l'homme à ressortir, elle souhaitait surtout l'isoler pour en apprendre plus sur la situation. Trop de curieux c'étaient approché du groupe, et il n'était pas préférable d'ébruité encore les raisons de la dispute. Maintenant, la brune devra discuter de l'attitude des gardes avant la prise de service. Puis elle accompagnera le brun jusqu'à son domicile, on ne sait jamais, des représailles n'étaient pas à écarter. Les gardes étaient très soudés entre eux et quand on attaquait l'un des leur on attaquait toute la garnison.

Svein s'était attendu à ce que la garde l'insulte, lui fasse des remontrances, la morale ou quelque chose dans ce goût-là, il fut donc plutôt surpris de constater qu'elle répondait d'une voix calme. Ainsi donc, ce n'était pas le premier méfait du garde ? En soi, c'était assez rassurant, mais si elle n'avait jamais rien pu faire, il y avait tout lieu de penser que l'homme risquait encore une fois de s'en tirer.
Bien sûr, Sigrid ne verrait certainement aucun problème à témoigner devant le responsable de la caserne pour lui expliquer la manière dont le garde se comportait avec elle, mais ils n'avaient pas de preuves, seulement des témoignages. Ida, l'autre sœur de Svein, pourrait elle aussi en témoigner tous comme leurs autres frères et sœurs qui avaient occasionnellement vu l'intrus tourner autour de leur sœur aînée, mais serait-ce suffisant ? Après tout, il s'agissait de membres de leur famille, rien ne prouvait qu'ils n'agissaient pas pour faire plaisir à leur sœur en mal de prétendants.

Lorsqu'elle lui demanda de sortir du bâtiment, Svein s'exécuta avant de finalement répondre à sa question concernant son identité.

« Je m'appelle Svein Brynjolfson. »

Leur famille n'était pas spécialement connue, hormis auprès de ceux qui vivaient dans leur quartier. Astrid, leur mère, était tombée enceinte plus d'un an après la disparition de leur père. Les choses auraient pu en rester là si certaines mauvaises langues ne s'étaient pas amusées à raconter qu'Astrid s'était consolée dans les bras – et les draps – de l'un de ses fils aînés. Les yeux rouges et les cheveux blancs de l'enfant né après la mort présumée de Brynjolf avaient achevé de convaincre leurs détracteurs de l'inceste de la malheureuse.
Fort heureusement, cette rumeur ne sortait généralement pas du quartier.

À l'extérieur du bâtiment, les gardes s'étaient déjà dispersés, mais Svein se demandait si ce n'était pas le signe évident d'un autre problème à venir. Soupirant légèrement, le Bjǫrnson tourna brièvement la tête en direction de la garde à ses côtés.

« Je ne vois aucun problème pour obéir à ce que vous dites, mais est-ce que ce sera suffisant ? Ma sœur peut témoigner, mes autres frères et sœurs aussi comme ils ont souvent vu ce garde tourner autour de la maison ou de ma sœur aînée, mais est-ce que ce sera vraiment utile ? » Il marqua une brève pause avant de reprendre. « Vos collègues n'iront pas raconter que ma famille ment juste pour attirer des ennuis à votre ami et m'éviter d'être arrêté ? »

Il n'avait pas une grande confiance en la justice de cette ville, admettons-le. Svein avait si souvent vu les gardes s'en tirer parce qu'ils avaient de bons contacts ou encore parce qu'ils savaient comment menacer les gens, pourquoi songerait-il que la situation pourrait être différente cette fois-ci ?

« Ma sœur est chez nous, je peux aller la chercher et vous rejoindre ici. J'imagine que vous avez autre chose à faire que m'accompagner... et vous connaissez mon nom, je ne gagnerai rien à m'enfuir. »

Et pour aller où de toute manière ?

L'homme avait décliné son identité, ce nom disait quelque chose à Eldrid, mais elle ne savait plus vraiment où et pourquoi elle en avait entendu parlé mais cela lui reviendra sûrement plus tard. La mémoire était l'un des points fort de la guerrière, sa mémorisation était tel qu'elle pouvait reconnaître une personne malgré qu'elle ne l'ai vu qu'une fois. En somme un atout pour son travail, il lui était alors facile de reconnaître les personnes à problèmes. Mais là, il y avait autre chose en jeu, une punition somme toute importante pour Eldrid. Svein ne semblait pas vraiment convaincu de la réussite de la plainte, à vrai dire, Eldrid non plus, mais il fallait tenter. Sinon rien n'était utile dans ce bas monde.

Tout le monde était parti vaquer à ses occupations, enfin c'était ce qu'espérait la membre de l'Elite. En tout cas, il ne restait plus aucun gardes devant le bâtiment. Les gardes, il était vrai que certains feraient tout pour protéger les leurs, mais d'autres possédaient encore de l'honneur. Si un garde méritait un châtiment c'était bien là son problème. Et puis, cette jeune demoiselle sera épaulée par elle-même, après tout, elle était une soldate de l'Elite plutôt réputée. Ce qui manquait les autres fois était l'appui des victimes. Et puis si rien ne se faisait, Eldrid se permettrait de le remettre en place. Un entraînement un peu plus poussé, quelques coups et des menaces de la guerrière suffiront à le calmer tout du moins pendant quelques temps. Après il suffira de lui rappeler quelles sont les bonnes manières.

Ce n'était pas vraiment la raison pour laquelle Eldrid voulait accompagner le châtain, mais plus pour assurer sa sécurité. On ne sait jamais, le garde avec qui Svein s'était querellé faisait parti d'un petit groupe de brutes et eux pouvaient poser problème lors du retour du Brynjolfson. Et puis, si le groupe leur tombait dessus alors que Svein était accompagné de sa sœur, il sera pour lui plus difficile de la protéger. De plus, la ronde que s’apprêtait à prendre Eldrid n'était pas vraiment de son grade. La soldate prenait son temps libre pour effectuer quelques missions qu'elle s'était elle-même attribuée. "Si, j'insiste pour vous accompagner. On ne sait jamais si pendant la ronde ils tombent sur vous et vous rendent les coups que vous avez portez à leur frère guerrier. Imaginez si votre soeur se retrouve au centre de la dispute? Avec moi cela les dissuadera croyez moi."La réputation de la guerrière était fondée dans la ville, tout le monde la respecté même parmi ses paires. Les gardes respectait Eldrid même les plus récalcitrant à voire une femme être supérieure. Oui même à Bjǫrn on pouvait trouver des hommes ne respectant pas la femme. Bref, Eldrid restait sur ses positions, le savoir parcourir seul les rues de la villes ne l’enchantait guère, la guerrière l'escortera, malgré son désaccord.

La perspective de se faire attaquer par des gardes vengeurs n'effrayait pas Svein, mais c'était plus par stupidité que parce qu'il était particulièrement doué en combat. S'il était amené à se confronter à des individus entraînés, il y avait fort à parier que le trentenaire aurait rapidement été en position de faiblesse ! Cela dit, son ego sur-dimensionné l'empêchait d'admettre ça.

Pourtant, un léger détail avait de quoi le tracasser : la perspective que sa sœur se retrouve en première ligne s'il se faisait refaire le portrait pas ces imbéciles. Sigrid savait se défendre, elle avait déjà manqué de castrer un prétendant envahissant d'un coup de genou bien placé, cependant elle n'était pas une experte en combat rapproché et face à des gardes, il y avait fort à parier qu'elle serait rapidement dépassée. Alors oui, la garde avait raison : c'était une bonne raison pour qu'il la laisse l'accompagner. De toute manière, ce n'était pas comme s'il avait quelque chose à cacher. La maison était en règles et sa famille n'avait rien à se reprocher.

« Soit. De toute manière votre aide ne sera pas du luxe pour la persuader de témoigner, comme dit. »

Elle ne verrait pas de problèmes à témoigner contre lui, mais remettrait plutôt en question l'utilité d'agir ainsi.

Sans perdre davantage de temps à discuter, le trentenaire prit la direction du quartier où se trouvait la demeure de sa tante. Il ne leur fallut pas bien longtemps avant d'arriver en vue du bâtiment en question. Celui-ci ne payait pas de mine et était clairement trop petit pour loger toute la famille – ce n'était pas pour rien que les trois aînés avaient été priés de se débrouiller seuls – mais elle restait propre et aussi entretenue que possible. Svein s'approcha de la porte et frappa contre le bois avant d'interpeller sa sœur qui ne traînait jamais bien loin.

« Ida, ouvre, c'est moi. »

Un bruit de pas ne tarda pas à se faire entendre et l'huis s'ouvrit sur une jeune femme quelconque, arborant une expression naturellement lassée. Svein se décala légèrement pour lui montrer la femme derrière elle et le regard de la demoiselle s'éclaira brièvement.

« C'est pour Sigrid ? »
« Oui, où est-elle ? »
« Dans le salon. »

Elle recula pour libérer le chemin et Svein entra aussitôt, invitant la guerrière à le suivre. Dans la pièce d'à côté, la jeune femme était installée près du feu. Elle était relativement belle et son expression mutine ne faisait qu'ajouter au charme général. Ses yeux bleus se posèrent sur son frère et une lueur de surprise les éclaira lorsqu'elle vit la femme à ses côtés. Se redressant, Sigrid prit les devants :

« Qui est-ce ? »
« Bonjour à toi aussi. C'est une membre de la garde, je lui ai expliqué ce que l'autre idiot faisait. Elle dit qu'on peut témoigner pour arrêter ça. » Une moue peu convaincue se dessina sur le visage de la belle.
« Vraiment ? Ou on témoigne et il s'en sort indemne avec toutes la liberté nécessaire pour nous nuire ? »

Svein jeta un coup d’œil à son accompagnatrice : c'était le moment ou jamais !

Svein laissa enfin Eldrid l'accompagner, elle pensait que la perspective que sa sœur soit amochée lui fit changer d'avis. Au moins il y avait quelque chose de sûre, c'était que cet homme tenait beaucoup à sa sœur. Eldrid s'attendrit, elle se retrouvait dans le comportement du châtain. La guerrière se revoyait à travers lui et il était plus qu'évident que si c'était elle dans cette situation elle aurait eu la même réaction que ce Svein. Elle le suivit donc jusqu'a son domicile, ou celui de sa famille. Eldrid attendait la réponse devant la porte, le dialogue n'était pas vraiment au rendez-vous, mais cela permettait à la membre de l'Elite de planifier l'accusation sur le garde. Elle espérait que sa renommée et le travail qu'elle accomplissait depuis ses années jouerait en leur faveur.

Sans tarder, la porte s'ouvrit laissant apparaître une jeune femme. La guerrière la scruta, elle semblait, tout comme Svein lassée par la vie. Comme si quelque chose les avait détruit. Il ne devait pas être facile de s'intégrer dans la communauté aisée de Bjǫrn. Eldrid pensait à sa vie, elle et sa sœur, malgré qu'elles ne possédaient qu'un petit logis, ne manquaient de rien. Il fallait dire que les rentes d'une membre de l'Elite n'était pas modestes et puis la boutique d'Inga marchait plutôt bien. En silence, la brune suivait l'homme jusque dans une salle qui devait être le salon. Là se trouvait une jeune demoiselle devant la chaleur du feu. Lorsqu'elle se retourna, sa beauté frappa Eldrid. Ce n'était pas une beauté exceptionnelle mais il y avait quelque chose qui marquait. La femme laissa le châtain mettre en confiance sa sœur, il lui expliquait ce que la membre de l'Elite comptait faire. Il ne chercha même pas à cacher son manque de conviction qui fit soupirer intérieurement la guerrière. Quoiqu'on essaye de faire pour rendre service, la personne continuait de râler. L'insatisfaction de l'être humain commençait à exaspérer la brune.

Bref, Eldrid prit une inspiration, avec cette famille, la tâche était plus complexe. "Il est vrai que de venir frapper un garde prenant ses fonctions devant ses confrères et d'autres témoins est quelque chose d'utile. Passons cependant ce détail." C'était sans vraiment cacher son exaspération qu'Eldrid venait de lancer la pique aux deux civils. Si ils cherchaient à découvrir le caractère de la guerrière, ils partaient dans la bonne direction. Elle continua cependant. "L'Elite est une organisation respectée à Bjǫrn et lorsque nous parlons d'un autre collègue, en général, cela n'est pas quelque chose qui n'est pas écouté même par la caste supérieure. Surtout que cette dernière connait ma volonté et ma justice. Il s'est même déjà vu qu'une accusation comme celle que je vous demande aboutisse à un renvoi de la personne en question. Surtout si elle est appuyée par certaines personnes, notamment par les guerriers de l'Elite. Je souhaite, côtoyant cet homme qu'il nous cause certains soucis, raquettes et autres... en mettant ceci sur le dos de la garde qui les protège. Or, nous ne faisons pas ce travail pour recevoir quelque chose en contre parti par les habitants. Si quelqu'un ayant eu affaire avec lui, et qui par la même vous menace car c'est un garde, cela pourrait jouer contre lui. Si cela n'aboutit pas croyez moi qu'il s'en mordra quand même les doigts. Je jure de le provoquer en duel et de bien l'amocher, il le mérite amplement." Eldrid ressentait de la colère, comment pouvait-on ainsi rabaisser ce métier? Il n'était donc pas étonnant que la caste se mettait a dos n'importe quelle famille de la ville.

Lorsque la garde laissa filtrer l'information sur le comportement de Svein, sa sœur ne manqua pas de lui décrocher un regard à la fois intrigué et agacé. Elle n'était pas sans savoir que son aîné avait tendance à rapidement en venir aux mains, comme lors de leur dernier repas de famille par exemple. Cela n'avait donc rien de surprenant, mais Sigrid étai tout de même agacée de constater qu'il n'était toujours pas capable de se contrôler. Et cela même si c'était pour lui rendre service.

Ses prunelles bleues se portèrent sur la femme qu'elle écouta avec attention avant d'acquiescer d'un hochement de la tête comme si elle comprenait ce qu'elle voulait dire. Visiblement, les arguments de la jolie brune avaient fait mouche puisque la blonde se redressa doucement, lissant machinalement les plis de sa robe bon marché.

« Je vois. J'ignorais que vous apparteniez à l’Élite, désolée. Je ne les connais pas tous, je ne traîne pas beaucoup de ce côté-là de la ville. Mais si vous pouvez appuyer cette histoire, avec votre statut il est vrai que la situation pourrait être différente. » Elle eut un léger soupir. « [color=#3399ff]Croyez bien que je ne suis pas enchantée d'avoir une telle opinion des gardes, mais les rares que j'ai côtoyé n'étaient vraiment pas fréquentables. Je sais bien que je ne devrais pas généraliser, mais c'est une habitude. »

« On a de bonnes raisons de penser comme ça. »

Sigrid décrocha un regard noir à son frère, un peu comme si elle voulait lui faire comprendre que ce n'était pas le moment de la ramener. Au fond, ce n'était pas bien grave, il en faudrait davantage pour que Svein se sente embêté ou humilié par sa sœur.

« Oh, oui, bien sûr. On devrait tous faire comme toi ? Sérieusement Svein, aller frapper un garde ?! À quoi est-ce que tu pensais ? »
« À le faire arrêter, greluche. »
« Ne me parle pas comme ça. La prochaine fois, utilise ton cerveau plutôt que tes poings. Tu crois que je me sentirais comment si tu finissais en prison pour avoir frappé un homme qui m'ennuyait ? »
« Tu compliques toujours tout. »

Un soupir agacé échappa à la jeune femme. Apparemment, ils n'en étaient pas à leur première dispute, mais peut-être que la situation risquait d’embarrasser ou d'agacer la membre de l’Élite ? Si Svein s'en fichait, Sigrid avait l'air de voir les choses sous un autre angle. Ses prunelles se reportèrent sur la femme brune.

« Navrée pour le spectacle, mais je préférais régler ça dès maintenant. Est-ce que je dois vous accompagner quelque part alors ? J'imagine que ce sera à vous de vous occuper de la plainte ? Désolée, je ne suis pas familière de la justice. »

Ou alors elle n'était pas de leur côté.

Une certaine tension régnait dans la pièce, pas entre Eldrid et la famille mais plutôt entre la fratrie. Cela ne devait certainement pas être la première fois qu'ils se retrouvaient dans une telle situation, si cela se reproduisait trop, la guerrière devrait sûrement intervenir. Elle nota dans un coin de sa tête qu'elle devait garder à l'oeil ce Svein, il était apparemment bon pour provoquer des événements indésirables. La jeune demoiselle, elle beaucoup plus réfléchi que son frère semblait être convaincue de l'importance de son geste, le témoignage restait un élément important dans l'accusation de la brune. Sans témoignage, pas de sanction. Pas de sanction, le garde continuerait à venir l'importuner. Le choix était sûrement vite fait.

La jeune femme s'était adressé à Eldrid, il était vrai qu'on ne pouvait pas connaître tous les guerriers de l'Elite. Et il était vrai que la brune ne s'était pas présenté plus que cela, ni même au châtain auparavant. "Vous savez, nous ne cherchons pas tous la reconnaissance des autres. Certains préfèrent rester plus dans l'ombre des ambitieux." Eldrid était de ce genre, laissant la gloire à ceux qui le veulent. La soldate ne cachait pas ses exploits guerriers en revanche, elle ne s'en vantait pas à tout bout de champs. Sinon, elle ne serait pas là à partager la ronde avec les gardes. Elle reprit "Ne vous en faite pas, les rares gardes droits restent malheureusement en retrait. Même si leurs actions pourraient changer le regard sur cette profession. Ceux qui cherchent la gloire ne sont pas forcément les plus intéressants à connaître." La réplique de Svein faisait mouche, il était vrai se faire incessamment malmener par des gardes pouvait laisser une rancœur. Eldrid comprenait tout à fait son animosité pour cette profession, c'était bien là l'une des choses que voulait changer la guerrière.

Puis, un règlement de compte débuta entre les deux membres de la famille. Sigrid avait apparemment beaucoup à dire à son frère, ce n'était pas vraiment ses affaires. Elle écoute silencieusement les reproches de la jeune femme, elle n'avait pas son mot à dire sur la situation. Les deux parties avaient leurs raisons, mais la brune n'était pas en accord avec Sigrid, une femme ou un groupe de femmes pouvaient très bien se débrouiller seules. Eldrid et Inga en étaient la preuve la plus proche, mais n'oublions pas les femmes de Fálki. Le silence de la guerrière s'arrêta lorsque la belle femme se radressa à elle. "Il est préférable que vous m'accompagniez oui, il faudra donner les détails de votre mésentente avec le garde. Les phrases prononcés, des menaces faites si il y a eu, des gestes indécents. Eldrid marqua une pause. Des attouchements non consentis." C'était toujours plus difficile de raconter comment un homme avait profité de sa faiblesse, mais il fallait que justice soit faite et prendre sur soi pour qu'elle se fasse.

Eldrid se rapprocha de la porte en invitant la jeune femme à la suivre, si Svein voulait les accompagner, il allait devoir prendre sur lui pour respecter la personne que nous allons voir. La guerrière allait de toute manière faire un topo sur le chemin, pour en apprendre plus à Sigrid sur la personne que le petit groupe rencontreront mais surtout. Pour Svein, cela sera différent, le problème étant son franc parlé qui serait plus que problématique devant la personne qu'ils devaient rencontrer.

C'était assez rare de croiser des individus humbles à Hjarta, ou du moins dans le quartier où la famille vivait. Tout le monde était pauvre ici, ne rêvant que d'une vie meilleure, quoi de plus logique que de se montrer ambitieux ? Svein était convaincu que si cette femme se montrait aussi philosophe, c'était parce qu'elle faisait déjà partie d'un groupe socialement avantagé. Dans ces conditions-là, quoi de plus facile que de rester humble ? Fort heureusement, cette fois-ci le jeune homme parvint à garder sa langue dans sa bouche et ne vexa pas la seule garde qui voulait bien leur accorder son aide et son attention.

Au moment où la femme expliqua ce qu'ils attendraient de Sigrid, cette dernière ne sembla pas gênée ou surprise. Elle devait déjà avoir eu droit à son lot de « gros lourds », mais Svein avait constaté que ce garde-là était plus tenace que les autres. À la pensée qu'une ordure pareille ait pu poser les mains sur sa sœur cadette, l'ancien forgeron sentit une boule de colère se former dans sa gorge. Soyons honnêtes, il n'était pas sûr que sa sœur soit encore « pure et innocente », mais il y avait une grosse différence entre se laisser retrousser la jupe par un charmant courtisan et un garde sans scrupules ! La jeune femme dû sentir la colère de son frère puisqu'elle posa un regard calme sur son visage avant d'esquisser un sourire légèrement moqueur.

« Est-ce l'idée des gestes indécents qui t'irrite autant ? Tu vas me faire croire que tu n'en as jamais eu à l'égard d'autres femmes ? »

Le coup était bas. Il était vrai que le trentenaire n'était pas le plus délicat et galant qui soit avec le sexe faible, mais il n'avait jamais imposé sa volonté à qui que ce soit, pas comme ce garde donc. Se renfrognant légèrement, le marin chassa la question d'un geste de la main.

« Non, pas comme ça. » Il détourna son regard des femmes. « Allons-y dans ce cas. »

Sans attendre leur réponse, Svein rebroussa chemin pour se diriger vers le hall d'entrée où Ida se trouvait toujours. Elle attendait patiemment et n'ouvrit pas la bouche, un peu comme si cette affaire ne la concernait pas. Sigrid lui avait emboîté le pas, saisissant un imposant châle qu'elle enroulant autour de ses épaules pour lutter contre le froid extérieur. Posant les yeux sur Ida, le trentenaire lâcha quelques mots à son attention :

« Préviens notre tante de ce qui s'est passé et dis-lui de ne pas s'inquiéter. Je raccompagnerai Sigrid quand ce sera terminé. »

La jeune femme hocha la tête et les salua lorsqu'ils se glissèrent dans la rue. Svein laissa alors la garde prendre les devants, c'était elle qui savait comment s'y prendre et quoi faire après tout ! Sigrid marchait tranquillement à leurs côtés et ne semblait pas spécialement inquiète à l'idée de témoigner contre un garde indésirable. Mais ce serait bien mal connaître le marin que de penser qu'il allait se montrer aussi patient que sa sœur ! Après quelques instants de marche, il aborda à nouveau la guerrière :

« Devant qui va-t-elle devoir témoigner ? La sentence sera immédiate ? »

Histoire de savoir s'ils allaient devoir essuyer une quelconque vengeance avant qu'il ne soit emprisonné ou arrêté.

Le petit groupe avançait en direction du centre politique, c'était là bas que quelqu'un pourrait les recevoir. Non, ce n'était pas le jarl lui même, mais un de ses conseillers. Ce n'était absolument pas qu'Adalrick était indifférent aux problèmes de son peuple car son conseiller lui parlera sûrement de la situation, mais il avait sûrement d'autres problèmes plus politiques à régler. Elle s'adressa à Svein, son ton restait calme "Nous allons nous adresser à un conseiller du jarl, celui-ci gère les affaires de tout ce qui est en rapport avec la milice. Je pense que malheureusement non, la sentence ne sera pas immédiate. Cependant, ce garde n'est pas à son premier blâme, il ne sera pas aussi chanceux cette fois, tout joue contre lui." Eldrid observa Sigrid, elle ne souhaitait pas avoir découragé sa témoin, mais elle préférait être sincère pour la jeune femme. "Cependant, avec le remue ménage de toute à l'heure, cela risque d'être prit en compte. Le garde sait qu'il est dans les viseurs des supérieurs, il va tout utiliser pour amoindrir son rôle." Svein aurait du réfléchir à deux fois avant de l'agresser comme il l'a fait. "Cependant, je jouerai en votre faveur, parlant d'un blâme que je vous aurai adressé. Ce qui est ma foi pas tout à fait tort, vu les remontrances que votre sœur vous fait." 

Eldrid marqua une pause, elle venait se s'apercevoir qu'elle possédait encore son bouclier très encombrant et lourd. Elle n'aimait pas le porter en dehors de combat ou de ronde. "Cependant, je vais devoir m'arrêter par chez moi, pour y déposer mon bouclier. Il est encombrant et légèrement inutile pour ce que nous allons faire." Le détour ne sera pas forcément long, elle se trouvait non loin du domaine du jarl, pour une garde d'Elite, c'était vraiment un plus. La guerrière s'arrêta devant sa petite maison familiale, elle tapa à la porte, une voix féminine se fit entendre. C'était Inga, elle était surprise de voir sa sœur revenir aussi rapidement à la maison. Elle lui expliqua rapidement la situation avant de déposer rapidement son bouclier sur sa couche. La brune ne voulait pas faire trop attendre Svein et Sigrid. Eldrid sortit de la petite bâtisse pour rejoindre à nouveau le groupe, elle espérait ne pas trop les avoir fait attendre. 

C'était surtout ne pas avoir énervé le châtain avant sa rencontre avec le conseiller. Elle adressa une autre parole au marin, "Je pense que nous devrions jouer la carte de la franchise. C'est à dire raconter votre altercation aux fortifications, cela pourrait jouer à notre avantage, surtout que n'y croyait pas, il sera tôt ou tard au courant de la situation. Il vaut mieux que cela vienne de notre part, au moins nous aurions rien oublié pour nous avantager. C'est à ce moment que je rajouterai le blâme sachant que vous n'avez pas été plus à problème." Eldrid le pensait vraiment, lorsqu'elle était intervenue, le châtain ne l'avait pas agressé par colère.

Svein aurait été étonné que la justice soit rapide. Il avait toujours songé que les politiciens et tout ceux qui étaient au contact de la loi devaient avoir une affection particulière pour la lenteur. Il n'y avait qu'à voir les fois où il avait violé la loi et où personne ne lui avait rien dit. Pourtant, dieu savait qu'il n'avait rien d'un homme discret ou même doué pour les manigances ! Autant dire qu'il n'avait pas énormément confiance en leurs capacités à arrêter ce garde alors même qu'ils n'avaient jamais causé le moindre tort à la fratrie Brynjolfson – qui n'avait rien d'exemplaire.
Mais il garda ses pensées pour lui, bien évidemment.

Ses prunelles oscillaient entre le visage de sa sœur et celui de la guerrière à leurs côtés, laquelle abordait l'agression qu'il avait faite quelques instants plus tôt. Bah, en se rendant là-bas, Svein s'attendait à finir sa journée au trou, alors autant dire qu'il s'estimait plutôt chanceux. S'il devait subir quelques jours de prison pour que cet emmerdeur finisse par être renvoyé de la garde, il ne s'en plaindrait pas. Enfin si, un peu, mais ce serait un mal pour un bien dirons-nous. Ce qui ne l'empêcha pas d'arborer une légère moue contrariée lorsque la garde lui rappela les paroles de Sigrid dans leur demeure.

« Ma sœur fait toujours des remontrances injustifiées. »

Il était de mauvaise foi, mais peu lui chalait. De toute manière, ils n'étaient pas ici pour faire son procès à lui ! Le trentenaire préféra donc éviter de s'étendre sur ce sujet et Sigrid fit de même puisqu'elle ne releva pas le grossier mensonge de son frère, se doutant qu'ils n'arriveraient jamais à être d'accord sur quoi que ce soit.

Lors du rapide détour par la demeure de la garde, Sigrid ne put s'empêcher de contempler la demeure avec une certaine envie. Leur tante avait une maison, mais elle était bien médiocre comparée à celles que l'on pouvait voir dans ce quartier ! Svein eut un pincement au cœur en constatant que rien n'avait changé depuis toutes ces années, mais il garda son air indifférent en détournant le regard.

« Tu as vu, elle a de la famille. »
« Évidemment, tu pensais que les gardes étaient des personnes tombées du ciel ? » Sigrid eut un soupir.
« Parfois, je me demande pourquoi je te parle. »

Fort heureusement, la garde sortit au même moment, coupant court à une nouvelle prise de bec.
Ils se remirent donc en marche pour se diriger vers le bâtiment où se trouvait le conseiller, mais la jeune femme reprit la parole pour leur expliquer qu'ils allaient devoir être honnêtes. Cela ne le dérangeait pas spécialement et il haussa donc les épaules pour indiquer que son sort ne l'inquiétait pas spécialement.

« Si je dois être sanctionné pour ce que j'ai fait pour que ce garde subisse enfin ce qu'il mérite, ça ne me dérange pas. Je ne suis pas totalement idiot, je savais parfaitement qu'en allant frapper un garde je risquais de finir au trou. Je m'en tire mieux que je ne le pensais. »
« Mais si tu pouvais éviter de t'y retrouver, ce serait quand même préférable. »

Le trentenaire eut un nouveau haussement d'épaules comme si son sort ne l'intéressait pas spécialement. Sans perdre davantage sa salive, le jeune homme suivit donc la garde en silence jusqu'à ce qu'ils atteignent le plus gros bâtiment de la zone : celui qui abritait les appartement du Jarl ainsi que tous les endroits dédiés à la justice. Le frère et la sœur se laissèrent guider par la jeune femme qui connaissait mieux les lieux qu'eux et ce n'est que lorsqu'ils arrivèrent devant une porte close que Svein sentit la pression monter. Après avoir toqué, ils furent invités à pénétrer dans une pièce assez petite, mais agréable et surtout bien chauffée. Un homme d'un certain âge était installé derrière une table et leva les yeux sur eux à leur entrée.

« Une visite de l’Élite ? Que puis-je pour vous ? »

Son regard s'était posé sur la guerrière et Svein eut une ultime hésitation : et si elle décidait finalement de se mettre du côté de son collègue garde ?

Svein était d'une indifférence effarante, quoique puisse dire les femmes, rien ne semblait vraiment le toucher. La seule chose qui comptait pour lui était l'honneur de sa sœur, donc plus ou moins de sa famille. Les seules choses de vraiment positif sur l'homme étaient son franc parlé et son honneur, il ne cherchait pas à fuir les responsabilités qui l'incombait. Cette réflexion sur l'homme lui avait permit de ne pas voir le trajet passé, aussi court fut il. Les voilà enfin arrivé devant l'immense bâtisse contenant tout le centre politique important de l'île. On fit entrer le trio et Eldrid reprit la tête du groupe. La guerrière n'était pas à sa première visite au conseiller et pouvait se vanter de connaître les lieux comme sa poche. Lorsqu'ils arrivèrent devant la porte, Eldrid jeta un oeil sur les deux citoyens pour s'assurer que cela aille toujours. Il serait fort regrettable, que par peur, Sigrid ne puisse plus prononcer un seul mot. Même si elle ne semblait pas vraiment être ce genre de femme.

Après sa petite inspection, la brune toqua à la porte, une voix les fit entrer. Devant eux se trouvait le conseiller, c'était un homme d'âge mûre mais charismatique. Il s'était bien sur adressé directement à Eldrid, rien de bien étonnant vu que c'était la plus haut gardé des lieux après lui. "Je me nomme Eldrid Skallagrimdóttir, je viens porter des accusations contre Alvin Snorrason un garde de la ville. Je pense que vous vous souvenez de son visage, disons que c'est un habitué. Je viens parler de certains faits qui ne devraient pas exister. Cette femme reçoit de la part de ce garde un harcèlement presque quotidien." Elle regarda Sigrid, le contexte avait été énoncé, tout se jouerait avec les propos de la jeune femme. Avant même de s'adresser à la plaignante, le conseiller regarda Eldrid. "Oui, ce n'est pas la première fois que vous venez pour des agissements de cet homme agissant contre la garde. Cependant, j'ai ouïe dire qu'il y eu plus tôt dans la journée, une altercation dans les baraquements. Savez-vous si il y aurait un lien avec cette histoire?" Il était bien évident que cela viendrait tôt ou tard sur le tapis. "Oui je ne peux nier j'étais présente sur les lieux. Le frère de la demoiselle ici présent souhaitait préserver l'honneur de sa jeune sœur. L'incident a été régularisé j'ai moi-même eu une discussion avec lui. L'incident ne se reproduira plus, je vous en fait le serment." Il était bien peu intelligent de jouer son honneur là dessus, rien ne certifiait que Svein arrêterait de poser des problèmes à la garde en public. Mais elle espérait qu'avec un peu de jugeote il préfèrerait venir la voir que de jouer les gros bras comme il avait pu le faire avant la ronde. "Si vous pensez que cela suffira, je vais essayer de vous faire confiance. Mais sachez que si dans l'avenir il y avait un comportement négatif de sa part, cela tâchera votre réputation exemplaire. A vous mademoiselle, racontez moi les agissements de cet homme envers vous, que je puisse comprendre la gravité de ses actes." L'homme mûre venait de laisser un message à Svein, c'était à son bon vouloir de l'entendre. Même soldate espérait que les paroles du conseiller avait fait mouche auprès du châtain. Après tout, Eldrid prenait de gros risque pour sa sœur.

Svein resta silencieux lorsque la guerrière prit la parole pour expliquer la situation. Cela dit, en l'entendant engager sa responsabilité pour lui, il ressentit une pointe de... contrariété. L'homme n'était pas du genre à sa montrer très responsable – sa famille pourrait en témoigner ! – et il avait une forte tendance à se montrer impulsif. Autant dire qu'il pouvait être de bonne humeur pendant une journée et respecter ça, mais changer d'avis le lendemain. Ajoutez à cela qu'il ne connaissait rien de cette femme et vous compreniez aisément pour quelle raison il ne s'en soucierait pas spécialement !

Cela dit, le trentenaire sentit le regard appuyé que sa sœur posa sur lui. Elle avait certainement deviné ce qui venait de défiler dans l'esprit de son frère et il se doutait qu'il allait avoir droit à une sorte de mise au point une fois qu'ils seraient seuls. Bah ! Ce n'était pas bien grave, au fond Sigrid voulait se donner l'impression d'être une femme responsable et maternel, mais c'était sa petite sœur : c'était à lui de s'occuper d'elle et non le contraire. Ce qui signifiait qu'il ne comptait pas obéir à ses conseils, bien évidemment.

Lorsque la garde eut terminé de tout expliqué, le conseiller porta son attention sur la jolie blonde qui se redressa instinctivement. Elle emprunta sa voix sérieuse pour lui répondre :

« Je l'ai rencontré au marché il y a plusieurs semaines. Il a commencé par m'aborder pour me parler et comme il s'est montré poli, je ne l'ai pas repoussé. Nous nous sommes revus plusieurs fois pour discuter, il se montrait toujours poli et respectueux.... » Elle soupira. « … mais les choses ont finalement évolué lorsqu'il a commencé à se faire plus pressent. Je lui ai expliqué que je ne voulais rien de plus que de l'amitié et il s'est montré particulièrement... désobligeant dirons-nous. Je n'ai pas peur de ce type d'homme et je l'ai donc ignoré, mais il n'a pas lâché l'affaire. Il savait où j'habitais et est souvent venu frapper à notre porte ou encore m'attendre au bout de la rue pour m'aborder dès que je passais devant lui. » Elle secoua légèrement la tête. « Il a aussi effrayé mes petites sœurs en les menaçant si elles ne me transmettraient pas des messages. »

Le ton de sa voix s'était fait plus hostile, visiblement elle n'appréciait guère que l'homme se permette de s'en prendre aux siens, surtout à des femmes ! Svein quant à lui restait parfaitement silencieux tout en observant sa sœur d'un air neutre.

« J'en ai finalement parlé à mon frère, Svein. » Elle le désigna. « Il a commencé par aller lui parler, mais ce garde a recommencé dès le lendemain. J'en ai informé mon frère et comme vous le savez désormais, il est allé lui faire part de son point de vue d'une manière un peu plus brusque. » Chose qu'elle n'approuvait pas semble-t-il. « Je lui ai dit que c'était une mauvaise idée, mais je dois vous avouer que je ne voyais pas quelle autre solution s'offrait à nous. Nous ne pensions pas que nous adresser aux supérieurs de ce garde changerait quelque chose, il avait été clair sur le fait qu'il était intouchable et je dois admettre que je l'ai cru sur parole. »

L'homme resta silencieux, acquiesçant d'un hochement de la tête tout en semblant réfléchir à cette histoire. Finalement, après quelques longues secondes, il expliqua aux deux civils qu'ils allaient enquêter rapidement sur cette affaire et les prévenir des sanctions prises, que ce soit à l'égard du garde ou de Svein. Ce dernier n'ouvrit pas la bouche jusqu'à ce qu'ils ressortent finalement dans le couloir. Dès que la porte fut refermée, les prunelles claires du marin se posèrent sur la garde.

« Vous n'auriez pas dû vous montrer aussi investie en ce qui me concerne. Je vous ai dit que ça ne me dérangeait pas de faire de la prison pour compenser ce que j'avais fait. Je préfère être honnête avec vous : je collectionne les ennuis et je crains de ne pas réussir à tenir les engagements que vous avez pris pour moi. » Ça avait le mérite d'être honnête. Non ? Sigrid soupira.
« Normalement Svein, on dit « merci ». »

La jeune femme avait donné un maximum de détails sans pour autant été parti dans les propos trop crus, ni dans l'emportement vis à vis du garde. Eldrid était impressionnée par Sigrid pour son sang froid, elle ferait une femme politique implacable. Son frère devrait prendre exemple sur sa force de caractère, on ne devinerait pas que c'était le châtain le plus âgé. Enfin, l'âge ne jouait pas toujours sur la maturité et la brune en avait bien là un autre exemple. Enfin, là Svein était calme peut être même un peu trop, elle s'attendait à un haussement de ton, une moue dubitative ou encore une provocation à l'encontre du conseiller ou même de la guerrière. Mais il semblait sage, ce qui rassura la brune, au moins il enfonçait pas la situation dans laquelle il s'était mise. Il avait été sage, oui sage comme pour les enfants. On pouvait quand même dire que sa façon d'agir était celle d'un adolescent, taper avant de réfléchir.

Avant de s'éloigner du conseiller, Eldrid inclina respectueusement la tête, elle respectait méticuleusement la hiérarchie et cet homme était un de ses supérieurs. "Je vous remercie pour l'attention que vous avez portez pour notre doléance." La guerrière se retourna et s'avança vers la porte. Elle espérait vraiment que cette fois-ci le fameux Alvin en prenne pour son grade. Car c'est bien l'image du jarl et de ses conseillers qu'il avait ternie. A peine étaient-ils dans le couloir que Svein ouvrit la bouche. Si cela avait été pour dire un quelconque remerciement cela n'aurait pas à ce point exaspéré Eldrid, mais le revoilà repartit pour se plaindre. La membre de l'Elite eu vraiment du mal à garder son calme et son énervement filtrait à travers son timbre de voix. "Vous pensez que je l'ai fait pour vous? Il m'est bien égale que vous finissiez en prison car c'est bien là ce qui vous attendra rapidement. Mais je l'ai fait pour votre sœur qui a déjà eu, à mon avis, assez de stress pour le moment. Déjà qu'elle doit supporter votre caractère constamment, je cherchait à l'alléger d'un autre poids surtout venant de votre part. Et si vous vous comportiez comme un homme et non comme un gamin nous pourrions avoir une conversation je pense plus agréable. Après sachez que j'en parlais surtout par rapport à la garde, si vous vous attirez des problèmes en dehors cela ne me concerne plus. Par contre si vous cherchez encore une fois des soucis par les baraquements sachez que cela ne risquera pas de finir bien pour vous. Une correction ne vous ferez pas de mal." Bon son calme s'était envolé mais il y avait de quoi, elle avait tellement envie de claquer cet homme. Et pourtant la soldate était restée plutôt calme. Encore un homme pour qui le monde ne tournait autour de leur nombril alors qu'il y a tellement plus important que cet être des plus abjectes.

La guerrière prit sur elle, elle allait devoir encore supporter sa tête pendant encore le trajet jusqu'à leur domaine familial. Ce n'était absolument pas pour lui, le voir prendre un coup aurait apporté à la brune un plaisir un peu trop intense. Mais savoir Sigrid seule alors que les gardes ne faisaient leur ronde ne lui plaisait pas. Son cœur battait à se rompre, son sang était chaud, disons que la guerrière, malgré sa patience, n'arrivait pas calmer sa colère. Elle n'en pouvait plus, elle espérait rapidement quitter la fratrie.