Ce matin, je me réveille avant Harding qui dort encore à poings fermés. Je suis perturbée par une nouvelle troublante qui m'est parvenue récemment : un de mes espions semble avoir été capturé. Alors en vérité, ce genre de chose arrive et il n'y a rien de véritablement étonnant et le mot approprié serait " embêtant ". Mais là, ce qui trouble le plus est que cet espion n'a pas été arrêté par les filles de Fálki, mais par un de mes Snakrsón ! Tout à fait, l'un de mes chers petits m'a trahit !!! Alors oui, je n'ai pas bien dormis cette nuit et je dois régler cette affaire moi même, pour la bonne et simple raison, que je suis la seule à pouvoir faire pression sur cet homme.

Je me prépare comme à mon habitude, je réfléchis aux mots que je vais employer, à la façon dont je vais agir et aux moindres petits gestes. On n'interfère pas dans mes affaires de la sorte et encore moins quand j'offre ma ville pour logis ! Harding n'est pas au courant de ce que je vais faire et je n'ai pas encore réfléchis à la façon dont j'allais lui en parler. Il est évident qu'entre lui et moi il n'y a aucun secret, mais il est aussi évident que par excès de colère, à son tour il fasse rater mon affaire.

Avant de partir, j'enfile un long manteau avec une capuche qui pourra voiler mon visage au moment de la traversée de la ville. Il est rare que je sorte moi même régler des comptes, et je ne souhaite pas attirer l'attention. Dehors, le froid est saisissant et fouette mon visage. Cette île, aussi jolie soit elle, manque cruellement de chaleur. J'arrive devant la boutique de ma proie.

J'entre sans attendre plus longtemps. Le jeune homme range proprement ses biens sans vraiment faire attention à moi. Lorsqu'il se retourne et que je retire ma capuche, il comprend que quelque chose ne va pas en découvrant qui je suis. Je sais que mon apparence froide, mon regard perçant et ma voix sèche peuvent en impressionner plus d'un. D'ailleurs, je n'en serai pas là aujourd'hui sans tout cela. Sans un mot, je me " promène " dans la boutique, regarde les articles et prends soin de bien faire claquer mon talons sur le sol. Les mains croisées, appuyées sur mon ventre, je prends enfin la parole la première.

" C'est une belle boutique que vous avez là. Vos produits viennent de partout et de nul part en même temps je vois. Vous devez beaucoup voyager. "

Evidemment qu'il voyage... sur Fálki notamment ! Je t'aurai Logan Skall. Ou que tu sois, je saurai où tu es et ce que tu fais, ne cherche pas à me mentir petit oiseau, n'oublie pas qui je suis. Bien entendu, je ne peux pas prévoir comme se passera ce petit entretien imprévu, mais je peux affirmer une chose, je gagne toujours.

Le petit tente de garder la tête froide, je le sens dans sa voix. Il ne peut pas me cacher ses voyages dans les îles puisqu'il est connu pour cela. Alors pour être honnête, je n'avais jamais entendu parler de lui avant que l'un de mes espions ne me fasse un rapport, mais du coup, j'en ai profité pour tout savoir de lui. Il aime se faire des amis, plus il en a, plus il a de clients, plus il a d'argent, plus son commerce est bon. Et si je décidai de mettre des bâtons dans ses roues ? Et si je menaçai son commerce ? Comment le prendrait il ?

J'écoute mon jeune Snákrson reprendre son aplomb tandis qu'il me parle affaire. Je souris en coin, le regard noir. Il croit vraiment que je suis venue ici pour ça ? Hum, il n'est pas idiot, enfin, je ne pense pas. Je ne sous estime jamais mes adversaires car cela pourrait se retourner contre moi facilement et ruiner mes plans en un rien de temps. Alors je vais partir du principe qu'il se doute de quelque chose.

" Et bien oui, je cherche quelque chose. Vous pouvez surement m'aider. Je cherche une Dionée.... "

A ce moment là, je cesse de déambuler dans son magasin et me tourne vers lui en le fixant droit dans les yeux. Puis, un sourire presque machiavélique s'affiche malgré moi sur mes lèvres. Ma phrase est comme en suspend. Comme si je ne l'avais pas finit alors que pourtant, elle l'est. Est ce qu'il sait de quoi je parle ? J'en suis persuadée ! Ce petit vaux rien... mon piège avorté à cause de lui ! Je pourrai trouver le moyen de le tuer sur le champs mais je pense qu'il peut encore se rendre utile. Enfin, je l'espère pour lui. Il ne se rend pas compte ! Les îles ne seront jamais tranquilles tant qu'elles seront séparées et seul Harding peut les réunifier. Je ne laisserai pas un avorton empêcher mes plans de réussir à nouveau. Je dois lui faire pression, je dois lui montrer que la reine ici, c'est moi. Pas seulement parce que je vis avec le chef de cette île, mais parce que j'ai le pouvoir. Le pouvoir de tuer n'importe qui en claquant des doigts. Le pouvoir de tout savoir. Le pouvoir de presque tout pouvoir faire. Le pouvoir de décider de son sort.

Ce petit fouineur pense t il vraiment que je souhaite une Dionée ? Que ferais je avec ? En tout cas, il reste dans la peau du marchand, probablement celle qui lui plait le plus face à moi. Seulement, j'obtiens toujours ce que je veux et là, je veux qu'au moment ou je sortirai d'ici, il sente que sa vie est sous mon contrôle. Logan... tu es allé sur Fálki mon chou, tu as aidé les filles de l'île en enquêtant sur les harpies, sur leur agressivité soudaine et tu es remonté jusqu'au Griffon. Tu as trouvé que quelqu'un était intervenu, tu as découvert tout mon plan et tu as tout fait rater. Si tu crois que je vais laisser ça impuni... Je sais qu'au fond de toi tu as peur que je sois là pour ça... et bien aie peur.

Je me rapproche de lui jusqu'à ce qu'il n'y ai plus que le comptoir qui nous sépare. Je le toise, je dirai même que je le regarde de très haut. Ce n'est qu'un simple marchand finalement et moi, je suis la Reine. Pour être franche avec vous, il m'arrive de douter, d'échouer et de me sentir mal mais ce qui fait ma force, c'est que je sais rebondir.

" Oh, les stocks sont donc vides. J'ai pourtant entendu parlé d'un homme qui aurait vu sa marchandise " confisquée " sur Fálki. Il aurait tout un tas de Dionée il me semble. Vous connaissez Fálki n'est ce pas ? Vous avez même des.... amies là bas.... "

Je ne termine pas phrase tout de suite, j'ai envie de voir son visage se décomposer petit à petit et au fur et à mesure que je parle. Les menaces viendront plus tard, pour le moment je me délecte de ces courts instants ou je dévoile tout mon pouvoir.

Je suis toujours calme, imperturbable, maitresse de mes émotions. Cependant, je sens que mon interlocuteur lui, au contraire est en train de perdre ses moyens. C'est tellement facile pour moi. Je le laisse s'exprimer, sortir tout ce qu'il a en lui. Pas seulement pour qu'il se sente mieux, et vrai dire je m'en moque, mais simplement parce que les gens on tendance à se confier beaucoup plus facilement sous le coup de l'émotion. Peu importe sa nature d'ailleurs.

Ce n'est qu'un simple pion qui ne regarde pas plus loin que le bout de son nez, pour lui tout va bien dans le meilleur des mondes. Mais s'il savait à quel point tout est plus compliqué.... Lui expliquer serait une perte de temps surtout qu'en plus, cela serait inutile.

" Comment crois tu qu'un pays survive ? Prospère ? Logan... je ne cherche que la paix pour notre peuple. Je le défends. Mes sentiments ne doivent pas altérer mon jugement. Et j'ai des espions uniquement pour nous protéger, je ne fais pas de mal. "

Dans ce que je dis il y a du vrai. Je ne laisse jamais mes sentiments prendre le pas sur la raison, je réfléchis toujours à tout, surtout aux pires conséquences. Je suis capable, contrairement à d'autres, de prendre des décisions nécessaires et qui impliquent des sacrifices. Et puis espionner ne fait pas de mal en réalité. Une Reine, ou n'importe quel dirigeant a forcément des espions, Fálki et Bjǫrn en font de même, c'est certain.

" Ne crois pas que les autres îles se privent pour en faire de même. Et bien souvent, les espions ignorent qu'ils en sont. Ce sont de simples et bons citoyens qui malgré eux donnent des informations parfois vitales. "

Je pense qu'il comprend très bien ce que je veux dire. Sans le vouloir, il participe lui aussi à la guerre qui existe entre nos trois îles en apportant à sa façon du bois au feu. Je ne m'énerve pas contre lui, je l'ai dit, je ne m'énerve que très rarement. Les gens sont beaucoup moins attentif quand on lève le ton de toutes manières. Je pense que se retrouver face à une personne presque dénuée de sentiments peu faire plus d'effet qu'on ne le pense. Je revois alors ma mère quand j'étais enfant, la façon qu'elle avait de me punir sans jamais lever le ton. Cette façon si glaciale d'aborder les choses. C'est grâce à elle que j'en suis là aujourd'hui et que la plupart des gens me mangent dans la main. Je sais prendre d'un côté, mais je sais aussi rendre de l'autre.

"J'ai moi même des enfants Logan. Jamais je n'en tuerai. D'ailleurs, je n'ai jamais tué. "

Dans un sens, je dis une fois de plus la vérité. Oui j'ai des enfants et oui, ce n'est pas moi qui ai tué ses enfants, pas directement en tout cas. A la base, mon plan ne devait pas tuer les enfants, se sont des dégâts collatéraux diront nous. Logan ne peut pas comprendre, il est aveuglé par ses idéaux ! Il croit que la paix viendra un beau matin en se réveillant ! Que nous allons nous aimer comme des frères ! Mais il oublie que c'est une guerre qui date de bien avant notre naissance. Se sont les Dieux qui ont créé ces iles et qui ont mit dans notre sang cette haine envers les autres ! Et il en est de même pour Fálki ! Même si elles voulaient être en paix avec nous, elles n'y parviendraient pas, nous sommes conçus pour s'affronter jusqu'à ce que l'un de nous gagne.

" La guerre Logan... fait partie de nous. Je préfère me préparer au pire que d'être prise par surprise. Je connais chacun de mes hommes, chacun de vous qui habitez ici et j'ai déjà perdu de ces hommes. Je m’emploie chaque jour à créer un monde meilleur pour nous tous et je refuse de vous regarder mourir inutilement. Mais, je ne peux demander à un Gamallien de comprendre ce qui nous a conçu. Nous ne venons pas du même monde Logan, mais maintenant tu y vis. Tu dois faire avec. J'ai le pouvoir de te protéger.... mais pas que... "

Logan ne comprendra jamais, je le sais. Mais au moins, il ne pourra pas me reprocher de ne pas lui avoir expliquer le monde dans lequel nous vivons. Maintenant, s'il est trop idiot ou fermé pour comprendre, je ne peux plus rien pour lui. Mais peu importe qu'il comprenne cela ou non, ce qu'il doit maintenant accepter, c'est qu'il se trouve sur NOS terres, avec NOS règles, NOS ressources qu'il est bien content de marchander ou de voler. Alors s'il croit qu'il peut avoir uniquement les avantages en venant vivre dans le Kolmen, il se trompe. Snákr n'est pas parfaite, je le concède mais, il n'empêche que c'est une île qui a son charme, qui nous accueille pour vivre. Nous sommes forts, robustes, résistants et la mort ne nous effraie pas. La condition des femmes est oui, difficile, mais elle force les plus volontaires à se dépasser pour devenir aussi forte qu'un homme. Il suffit de le vouloir avec le coeur. Si elle n'a pas assez de force pour montrer ce qu'elle vaut, c'est qu'elle n'est pas assez forte pour devenir une fille de Snákr. Mais ça, Logan ne peut pas le comprendre. A Gamall, c'est un autre monde.

Cependant, je suis sure qu'il peut comprendre mon autre message. Parce que oui, je suis la Reine de ses lieux et même si devant le peuple Harding est plus puissant que moi, moi je sais que je peux lui demander tout ce que je veux. Et si l'envie de brûler cette boutique d'objet voler me prend, alors.... je le ferai.

" Les guerres étaient là avant Logan et elles seront surement là bien après nous. Il ne faut pas se mêler des affaires des autres, cela peut porter préjudice à ton intégrité, à ta réputation Logan. "

Je pense que le message est clair et reçu. Je l'ai laissé crié et s'énerver jusque là, mais quand même, il y a des limites à ne pas dépasser. Il ne s'adresse pas à une paysanne qui élève des poulets ! Qu'il se rappelle où est sa place et je m'occuperait de prendre soin de lui. En attendant, je me fais un plaisir de reprendre ma marche dans sa boutique tout en laissant un doigt glisser sur le bois des étagères. De temps en temps pendant que je parle, je jette un petit regard insistant sur lui, toujours aussi glacial, toujours maitresse de moi dans n'importe quelle situation.

" Oh, quelle belle petite pierre. Un fragment de coeur d'orage. Cette pierre est aussi belle que les forets qui m'entourent. "

Oui, je change de sujet en voyant ce magnifique petit éclat de pierre verte. En la saisissant, je me tourne vers le jeune marchand et reviens vers lui, un petit sourire aux lèvres. J'aime les jolies choses.