Eyyolf a vécu son enfance dans l’ombre de son père, Arnvald Erikson. Personnage imposant à la voix forte et martelant du poing, il a eu une éducation stricte dont il ne fallait pas s’écarter. Venant d’une noble lignée à Snákr, il a appris à se considérer supérieur aux hommes étrangers et aux femmes, à idolâtrer les dieux et à chérir les contes de l’ile de Snákr. Il n’a jamais connu la mère qui l’a enfanté. Tout ce qu’il a réussi à soutirer à son père au fil des années est le nom de Grunhilde Sìlfrddóttir, et l’existence de sœurs sur l’ile de Fálki. Puis vint son petit frère Ivar, à la bravoure frôlant parfois la folie. Les deux apprirent sous l’œil perçant de leur père à se battre, à encaisser les coups, à chasser, à naviguer et à monter les chevaux. Il eut également le privilège d’apprendre les bases de la lecture, de l’écriture et des mathématiques. En grandissant, Ivar devenait le portrait craché de son père : doué à la guerre, ayant envie de faire ses preuves, d’avoir une vie de héros. Quant à Eyyolf, la relation avec Ivar et Arnvald sont devenues tumultueuses. Devenir guerrier n’intéressait gère le jeune adolescent, préférant l’art de la chasse et les longues évasions dans la nature. C’est Ivar qui a donc porté l’armure du clan Erikson. Constamment en rivalité, Eyyolf a décidé de quitter le domaine familial dès que la coutume lui permis, apaisant ainsi ses échanges avec son petit frère.

Mais ce n’est pas pour autant qu’Eyyolf eut une vie paisible. Ayant le désir profond de faire, lui aussi, ses preuves aux yeux de sa famille et d’honorer ses ancêtres, il n’a eu de cesse d’améliorer ses techniques de chasse. Il voulait être le meilleur. Eyyolf pouvait ainsi errer dans l’île des jours entiers pour tuer sa proie. Au bout de longues années, il finit par atteindre une certaine renommée. Même son père dû l’admettre. Il profita de sa liberté retrouvée pour courir après les femmes, sans jamais trouver l’amour. Bien que les femmes soient une douce distraction pour lui, il se surprenait à rêver d’hommes, sans jamais l’avouer à quiconque, ni à se l’avouer à lui-même. Comme une honte lui rongeant le cœur, il a appris à refouler ses envies singulières et voulant faire bonne figure, il faisait en sorte qu’on le croise souvent aux bras d’une femme.

Un drame vint perturber ses plans. Alors qu’il atteignait la trentaine, son frère fut porté disparu lors d’un raid sur les côtes de Galmall. Son père le déclara mort bien trop tôt au goût d’Eyyolf, et du jour au lendemain, le chasseur était devenu seul héritier du clan. A ce titre, son père ne lui donna plus aucun choix. Eyyolf devra s’unir à une femme de Snákr et lui faire des petits-enfants. La pression fut telle que le chasseur céda dans les quelques mois qui suivirent. Il choisit une jeune fille, aux traits fins, et qui avait une belle chevelure blonde comme les blés au nom d’Alwine. Eyyolf n’a jamais eu à se plaindre de sa femme, étant docile et douce. Il s’est contenté de vivre avec elle et de lui rester fidèle pour ne pas l’humilier, sans pour autant éprouver le moindre amour pour elle. Elle lui a donné un fils, Alrick Erikson, et Eyyolf lui a toujours été reconnaissant pour cela. Malheureusement, elle ne s’est jamais remise de son accouchement compliqué, étant de fragile constitution, et est morte quelques mois plus tard, emportée par une maladie combinée à sa faiblesse.

Eyyolf n’était guère attristé de sa mort. Mais dégouté et honteux de son propre manque d’empathie, il alla se punir et chasser quelques jours plus tard au petit matin dans une partie de l’île qu’il n’avait encore jamais exploré : les tumulis. On le cru disparu… Mais le chasseur revint, en pleine nuit. Sa main gauche saignait, il lui manquait un doigt. Les plaies remontaient jusqu’à l’épaule, si profondes dans la chaire qu’il en serait à jamais marqué. Mais de sa main droite, il tirait derrière lui un animal rare et incroyable : un sombral. De cette nuit, Eyyolf n’en parle pas souvent. Il se plait à penser que les dieux l’ont puni mais pardonné. Ce qu’il y a vu lui donne encore des cauchemars. La créature des tumulis qui lui a pris un doigt lui a aussi marqué l’esprit comme on marque la peau au fer rouge.

Depuis ce jour fatidique, Eyyolf s’est lancé dans une nouvelle discipline : l’élevage. Il a désormais un domaine pour ses bêtes, et il y élève des cochards géants et des sombrals. Des clients de Snákr mais aussi des autres îles voyagent jusqu’à lui pour se procurer un de ces formidables destriers. Même si Eyyolf apprécie de pouvoir dompter et entraîner ces bêtes formidables, il ne veut pas s’arrêter là. Un jour, le Snákrson accomplira ce que peu de personnes avant lui ont fait. Il domptera une wyverne.

Aujourd’hui, Eyyolf éduque son enfant avec justesse, du moins, il l’espère. Il dresse des sombrals pour des guerriers ou de riches clients venus de tous horizons, et apprécie de pouvoir ainsi honorer le nom de sa famille et ses dieux par sa réputation. Les ragots disent qu’il est toujours trop peiné par la mort de sa femme pour vouloir trouver une nouvelle compagne. Lui seul connait la vérité de cette histoire. Son père se fait vieux, mais il est apaisé par le nouvel héritier de la famille. De temps à autres, Eyyolf retourne chasser dans les tumulis pour tenter de trouver d’autres créatures fantastiques. Mais ces terres hantent trop souvent ses songes. Eyyolf s’est promis que s’il devait mourir, ce sera en face de la wyverne qu’il n’aura pas su dompter, et rien d’autre.